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— C’est bien mon intention, mon cher, mais le début n’est pas facile.

Cependant elle regardait parfois du côté de nos provisions et, je sentis bien qu’elle aurait encore faim une fois finis ses deux croissants. Je la laissai donc terminer son dîner frugal. Puis je lui demandai :

« Vous seriez tout à fait gracieuse, madame, si vous vouliez accepter un de ces fruits ? »

Elle répondit encore : « mica ! » mais d’une voix moins méchante que dans le jour, et j’insistai : « Alors, voulez-vous me permettre de vous offrir un peu de vin. Je vois que vous n’avez rien bu. C’est du vin de votre pays, du vin d’Italie, et puisque nous sommes maintenant chez vous, il nous serait fort agréable de voir une jolie bouche italienne accepter l’offre des Français, ses voisins. »

Elle faisait « non » de la tête, doucement, avec la volonté de refuser, et avec le désir d’accepter, et elle prononça encore « mica », mais un « mica » presque poli. Je pris la petite bouteille vêtue de paille à la mode italienne ; j’emplis un verre et je lui présentai.

— Buvez, lui dis-je, ce sera notre bienvenue dans votre patrie.

Elle prit le verre d’un air mécontent et le vida d’un