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avait souvent relevées ; et la glace semblait regarder la couche, sa complice. On eût dit qu’elle avait des souvenirs, des regrets, comme ces châteaux que hantent les spectres des morts, et qu’on allait voir passer sur sa face unie et vide ces formes charmantes qu’ont les hanches nues des femmes, et les gestes doux des bras quand ils enlacent.

Le baron s’était arrêté souriant, un peu ému au seuil de cette chambre d’amour. Mais soudain, quelque chose apparut dans la glace comme si les fantômes évoqués eussent surgi devant lui. Un homme et une femme, assis sur un divan très bas caché dans l’ombre, s’étaient levés. Et le cristal poli, reflétant leurs images, les montrait debout et se baisant aux lèvres avant de se séparer.

Le baron reconnut sa femme et le marquis de Cervigné. Il se retourna et s’éloigna en homme fort et maître de lui ; et il attendit que le jour vînt pour emmener la baronne ; mais il ne songeait plus à dormir.

Dès qu’il fut seul avec elle, il lui dit :

— Madame, je vous ai vue tout à l’heure dans la chambre de la princesse de Raynes. Je n’ai pas besoin de m’expliquer davantage. Je n’aime ni les reproches, ni les violences, ni le ridicule. Voulant éviter ces cho-