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pour amener une conversation, et, lorsque nous eûmes repris nos places, je demandai gracieusement à notre voisine : « Est-ce que la fumée de tabac vous gêne ? Madame. »

Elle répondit : « Non capisco. »

C’était une Italienne ! Une folle envie de rire me saisit. Paul ne sachant pas un mot de cette langue, je devais lui servir d’interprète. J’allais commencer mon rôle. Je prononçai, alors, en italien :

— « Je vous demandais, madame, si la fumée du tabac vous gêne le moins du monde ? »

Elle me jeta d’un air furieux : « Che mi fa ! »

Elle n’avait pas tourné la tête ni levé les yeux sur moi, et je demeurai fort perplexe, ne sachant si je devais prendre ce « qu’est-ce que ça me fait ? » pour une autorisation, pour un refus, pour une vraie marque d’indifférence ou pour un simple : « Laissez-moi tranquille. »

Je repris : « Madame, si l’odeur vous gêne le moins du monde… ? »

Elle répondit alors : « mica » avec une intonation qui équivalait à : « Fichez-moi la paix ! » C’était cependant une permission, et je dis à Paul : « Tu peux fumer. » Il me regardait avec ces yeux étonnés qu’on