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narrer mon… comment dirai-je ? mon tout premier début, non. Le premier fossé sauté (je dis fossé au figuré) n’a rien d’intéressant. Il est généralement boueux, et on s’en relève un peu sali avec une charmante illusion de moins, un vague dégoût, une pointe de tristesse. Cette réalité de l’amour, la première fois qu’on la touche, répugne un peu ; on la rêvait tout autre, plus délicate, plus fine. Il vous en reste une sensation morale et physique d’écœurement comme lorsqu’on a mis la main, par hasard, en des choses poisseuses, et qu’on n’a pas d’eau pour se laver. On a beau frotter, ça reste.

Oui, mais comme on s’y accoutume bien, et vite ! Je te crois, qu’on s’y fait ! Cependant… cependant, pour ma part, j’ai toujours regretté de n’avoir pas pu donner de conseils au Créateur au moment où il a organisé cette chose-là. Qu’est-ce que j’aurais imaginé, je ne le sais pas au juste, mais je crois que je l’aurais arrangée autrement. J’aurais cherché une combinaison plus convenable et plus poétique, oui, plus poétique.

Je trouve que le bon Dieu s’est montré vraiment trop… trop… naturaliste. Il a manqué de poésie dans son invention.