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Or, la foule ne raisonne pas, dit-on, elle ressent, et, dans ce cas sa sensation participe de toutes les idées accumulées et courantes, de tous les sentiments préconçus, de tous les préjugés anciens, de toutes les opinions établies qui pèsent théoriquement sur les institutions sociales.

Faites une salle de forçats libérés : le résultat sera le même qu’avec une salle d’honnêtes gens.

Mais, quand une personne lit un livre en sa chambre, elle réfléchit sans cesse, s’arrête, reprend un chapitre, se fait une opinion lentement, pose l’ouvrage pour méditer, et souvent dépouille d’anciennes convictions que détruisent des raisonnements, se laisse séduire enfin par les hardiesses des novateurs originaux, ou dompter par la vigueur des écrivains audacieux et justes.