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ça vous émouve le cœur. Quand le jour parut v’là que l’idée des gendarmes me reprit, et que je me mis à courir. Puis je me calmai.

Je me sentis faim tout de même, malgré ma confusion ; mais je ne possédais rien, pas un sou, j’avais oublié mon argent, tout ce qui m’appartenait sur terre, dix-huit francs.

Me v’là donc à marcher avec un ventre qui chante. Il faisait chaud. Le soleil piquait. Midi passe. J’allais toujours.

Tout à coup j’entends des chevaux derrière moi. Je me retourne. Les gendarmes ! Mon sang ne fait qu’un tour ; j’ai cru que j’allais tomber ; mais je me contins. Ils me rattrapent. Ils me regardent. Il y en a un, le plus vieux, qui dit :

— Bonjour, mamzelle.

— Bonjour, monsieur.

— Ousque vous allez comme ça ?

— Je vas t’à Rouen, en service dans une place qu’on m’a offerte.

— Comme ça, pédestrement ?

— Oui, comme ça.