Page:Maupassant - Le Rosier de Madame Husson.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qu’entendez-vous par là ?

— Croyez-vous que certaines idées soient aussi dangereuses pour certains esprits que le poison pour le corps ?

— Mais, oui, peut-être.

— Certainement. Il y a des idées qui entrent en nous, nous rongent, nous tuent, nous rendent fou, quand nous ne savons pas leur résister. C’est une sorte de phylloxera des âmes. Si nous avons le malheur de laisser une de ces pensées-là se glisser en nous, si nous ne nous apercevons pas dès le début qu’elle est une envahisseuse, une maîtresse, un tyran, qu’elle s’étend heure par heure, jour par jour, qu’elle revient sans cesse, s’installe, chasse toutes nos préoccupations ordinaires, absorbe toute notre attention et change l’optique de notre jugement, nous sommes perdus.

Voici donc ce qui m’est arrivé, monsieur. Comme je vous l’ai dit, j’étais notaire à Rouen, et un peu gêné, non pas pauvre, mais pauvret, mais soucieux, forcé à une économie de tous les