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Alors la scène arriva, la scène odieuse, imbécile, avec les reproches inattendus, les récriminations intempestives, puis les larmes. Tout y passa. Ils rentrèrent. Il l’avait laissée aller, sans répliquer, engourdi par cette soirée divine, et atterré par cet orage de sottises.

Trois mois plus tard, il se débattait éperdument dans ces liens invincibles et invisibles, dont une habitude pareille enlace notre vie. Elle le tenait, l’opprimait, le martyrisait. Ils se querellaient du matin au soir, s’injuriaient et se battaient.

À la fin, il voulut en finir, rompre à tout prix. Il vendit toutes ses toiles, emprunta de l’argent aux amis, réalisa vingt mille francs (il était encore peu connu) et il les laissa un matin sur la cheminée avec une lettre d’adieu.

Il vint se réfugier chez moi.

Vers trois heures de l’après-midi, on sonna. J’allai ouvrir. Une femme me sauta au visage, me bouscula, entra et pénétra dans mon atelier : c’était elle.

Il s’était levé en la voyant paraître.

Elle lui jeta aux pieds l’enveloppe contenant les billets de banque, avec un geste vraiment noble, et, d’une voix brève :

— Voici votre argent. Je n’en veux pas.