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SOUVENIRS.

En face de Louis Bouilhet était Gustave Flaubert.

Je laissai mes vers dans ma poche et je demeurai assis dans mon coin bien sage sur ma chaise, écoutant.

Vers quatre heures, Flaubert se leva.

— Allons, dit-il, conduis-moi jusqu’au bout de ta rue ; j’irai à pied au bateau.

Arrivés au boulevard, où se tient la foire Saint-Romain, Bouilhet demanda tout à coup :

— Si nous faisions un tour dans les baraques ?

Et ils commencèrent une promenade lente, côte à côte, plus hauts que tous, s’amusant comme des enfants, et échangeant des observations profondes sur les visages rencontrés.

Ils imaginaient les caractères rien qu’à l’aspect des faces, faisaient les conversations des maris avec leurs épouses. Bouilhet parlait comme l’homme et Flaubert comme la femme, avec des expressions normandes, l’accent traînard et l’air toujours étonné des gens de ce pays.

Quand ils arrivèrent devant saint Antoine :

— Allons voir le violon, dit Bouilhet.

Et nous entrâmes.

Quelques années plus tard, le poète étant