Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
LE GATEAU

enfin, de cette façon, les jours où sa femme recevait, il recevait aussi ; il avait son public spécial qui l’appréciait, l’écoutait, lui prêtait plus d’attention qu’à son éclatante compagne.

Il s’était adonné à l’agriculture, à l’agriculture en chambre. Il y a comme cela des généraux en chambre, — tous ceux qui naissent, vivent et meurent sur les ronds de cuir du ministère de la Guerre, ne le sont-ils pas ? — des marins en chambre, — voir au ministère de la Marine, — des colonisateurs en chambre, etc., etc. Il avait donc étudié l’agriculture, mais il l’avait étudiée profondément, dans ses rapports avec les autres sciences, avec l’économie politique, avec les arts, — on met les arts à toutes les sauces, puisqu’on appelle bien « travaux d’art » les horribles ponts des chemins de fer. Enfin il était arrivé à ce qu’on dît de lui : « C’est un homme fort. » On le citait dans les Revues techniques ; sa femme avait obtenu qu’il fût nommé membre d’une commission au ministère de l’Agriculture.

Cette gloire modeste lui suffisait.

Sous prétexte de diminuer les frais, il invitait ses amis le jour où sa femme recevait les siens,