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LE COLPORTEUR

cria plus fort : « Bluette ! Bluette ! » Puis, tapant sur la planche à coups de poing, il murmura : « Te réveilleras-tu, nom d’un nom ! »

Il attendit, colla son oreille à la serrure et reprit, calme : « Bah ! faut la laisser dormir si elle dort. Je vas chercher le vin, attendez-moi deux minutes. »

Il sortit. Je m’assis résigné.

Qu’étais-je venu faire là ? Soudain, je tressaillis. Car on parlait bas, on remuait doucement, presque sans bruit, dans la chambre de la femme.

Diable ! N’étais-je pas tombé dans un guet-apens ? Comment ne s’était-elle pas réveillée, cette Bluette, au bruit qu’avait fait son mari, aux coups qu’il avait frappés sur la porte ? N’était-ce pas un signal pour dire aux complices : — « Il y a un pante dans la boîte. Je vas garder la sortie. Affaire à vous. » Certes, on s’agitait de plus en plus, on toucha la serrure ; on fit tourner la clef. Mon cœur battait. Je me reculai jusqu’au fond de l’appartement en me disant : « Allons  ! défendons-nous ! » et saisissant une chaise de bois à deux mains par le dossier, je me préparai à une lutte énergique.