Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
L’ORPHELIN

notaire de Rennes, le faisait légataire universel ; il hérita.

Les gens du pays, pendant longtemps, le mirent en quarantaine, le soupçonnant toujours. Sa maison, celle de la morte, était regardée comme maudite. On l’évitait dans la rue.

Mais il se montra si bon enfant, si ouvert, si familier qu’on oublia peu à peu l’horrible doute. Il était généreux, prévenant, causant avec les plus humbles, de tout, tant qu’on voulait.

Le notaire, Me  Rameau, fut un des premiers à revenir sur son compte, séduit par sa loquacité souriante. Il déclara un soir, dans un dîner chez le percepteur :

— Un homme qui parle avec tant de facilité et qui est toujours de bonne humeur ne peut pas avoir un pareil crime sur la conscience.

Touchés par cet argument, les assistants réfléchirent, et ils se rappelèrent en effet les longues conversations de cet homme qui les arrêtait, presque de force, au coin des chemins, pour leur