Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
ROUERIE

allait se passer dans mon cœur ? Si je me mettais à aimer ce petit être né de moi ! mon fils !

J’avais mon chapeau sur la tête, mes gants aux mains. Je jetai les gants sur mon bureau et mon chapeau sur une chaise : « Non, décidément, je n’irai pas, c’est plus sage. »

Ma porte s’ouvrit. Mon frère entrait. Il me tendit une lettre anonyme reçue le matin : « Prévenez le comte de L…, votre frère, que la petite femme de la rue Cassette se moque effrontément de lui. Qu’il prenne des renseignements sur elle. »

Je n’avais jamais rien dit à personne de cette vieille intrigue. Je fus stupéfait et je racontai l’histoire à mon frère depuis le commencement jusqu’à la fin. J’ajoutai : « Quant à moi, je ne veux m’occuper de rien, mais tu seras bien gentil d’aller aux nouvelles. » — Mon frère parti, je me disais : « En quoi peut-elle me tromper ? Elle a d’autres amants ? Que m’importe ! Elle est jeune, fraîche et jolie ; je ne lui en demande pas plus. Elle a l’air de m’aimer et ne me coûte pas trop cher, en définitive. Vraiment, je ne comprends pas. »