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ROUERIE

trez cela tôt ou tard. À mon tour, je bégayai « Mais… mais… tu es mariée, n’est-ce pas ? »

Elle répondit : « Oui, mais mon mari est en Italie depuis deux mois et il ne reviendra pas de longtemps encore ».

Je tenais, coûte que coûte, à dégager ma responsabilité. Je dis : « Il faut le rejoindre tout de suite. » Elle rougit jusqu’aux tempes, et baissant les yeux : « Oui… mais… » Elle n’osa ou ne voulut achever.

J’avais compris et je lui remis discrètement une enveloppe contenant ses frais de voyage.

Huit jours plus tard, elle m’adressait une lettre de Gênes. La semaine suivante, j’en recevais une de Florence. Puis il m’en vint de Livourne, de Rome, de Naples. Elle me disait : « Je vais bien, mon cher amour, mais je suis affreuse. Je ne veux pas que tu me voies avant que ce soit fini ; tu ne m’aimerais plus. Mon mari ne s’est douté de rien. Comme sa mission le retient encore