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UNE PASSION

one allée, et il se mit à parler nettement et lentement.

« Monsieur, je ne suis point venu pour vous adresser des reproches ; je sais trop comment les choses se sont passées. J’ai subi… nous avons subi… une espèce de… de… de fatalité. Je ne vous aurais jamais dérangé dans votre retraite si la situation n’avait point changé. J’ai deux filles, Monsieur. L’une d’elles, l’aînée, aime un jeune homme, et en est aimée. Mais la famille de ce garçon s’oppose au mariage, arguant de la situation de la… mère de ma fille. Je n’ai ni colère, ni rancune, mais j’adore mes enfants, Monsieur. Je viens donc vous redemander ma… ma femme ; j’espère qu’aujourd’hui elle consentira à rentrer chez moi… chez elle. Quant à moi, je ferai semblant d’avoir oublié pour… pour mes filles. »

Renoldi ressentit au cœur un coup violent, et il fut inondé d’un délire de joie, comme un condamné qui reçoit sa grâce.

Il balbutia : « Mais oui… certainement. Monsieur… moi-même… croyez bien… sans doute… c’est juste, trop juste. »