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UNE PASSION.

même colonel qui s’était indigné de l’abandon se révolta contre cette situation illégitime, incompatible avec le bon exemple que doivent les officiers dans un régiment. Il prévint son subordonné, puis il sévit : et Renoldi donna sa démission.

Ils allèrent vivre en une villa, sur les bords de la Méditerranée, la mer classique des amoureux.

Et trois ans encore se passèrent. Renoldi, plié sous le joug, était vaincu, accoutumé à cette tendresse persévérante. Elle avait maintenant des cheveux blancs.

Il se considérait, lui, comme un homme fini, noyé. Toute espérance, toute carrière, toute satisfaction, toute joie lui étaient maintenant défendues.

Or, un matin, on lui remit une carte : « Joseph Poinçot, armateur. Le Havre. » — Le mari ! Le mari qui n’avait rien dit, comprenant qu’on ne lutte pas contre ces obstinations désespérées des femmes. Que voulait-il ?

Il attendait dans le jardin, ayant refusé de pénétrer dans la villa. Il salua poliment, ne voulut pas s’asseoir, même sur un banc dans