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UNE PASSION

disait : « Au bout d’un mois j’en ai par-dessus la tête, et je suis obligé de patienter six mois par politesse. » Puis, une rupture l’exaspérait, avec les scènes, les allusions, les cramponnements de la femme abandonnée.

Il évita de rencontrer Mme Poinçot.

Or, un soir, il se trouva près d’elle, à table, dans un dîner ; et il eut sans cesse sur la peau, dans l’œil et jusque dans l’âme, le regard ardent de sa voisine ; leurs mains se rencontrèrent et, presque involontairement, se serrèrent. C’était déjà le commencement d’une liaison.

Il la revit, malgré lui toujours. Il se sentait aimé ; il s’attendrit, envahi d’une espèce d’apitoiement vaniteux pour la passion violente de cette femme. Il se laissa donc adorer, et fut simplement galant, espérant bien en rester au sentiment.

Mais elle lui donna un jour un rendez-vous, pour se voir et causer librement, disait-elle. Elle tomba, pâmée, dans ses bras ; et il fut bien contraint d’être son amant.