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CONFESSIONS D’UNE FEMME

sible la fin de mes transports. Ils s’éteignaient pourtant toujours d’une façon naturelle, comme un feu où le bois manque.

Je vous dirai aujourd’hui la première de mes aventures, dont je fus bien innocente, mais qui détermina les autres.

L’horrible vengeance de cet affreux pharmacien du Pecq m’a rappelé le drame épouvantable auquel j’assistai bien malgré moi.

J’étais mariée depuis un an, avec un homme riche, le comte Hervé de Ker…, un Breton de vieille race, que je n’aimais point, bien entendu. L’amour, le vrai, a besoin, je le crois du moins, de liberté et d’obstacles en même temps. L’amour imposé, sanctionné par la loi, béni par le prêtre, est-ce de l’amour ? Un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé.

Mon mari était de haute taille, élégant et vraiment grand seigneur d’allures. Mais il manquait d’intelligence. Il parlait net, émettait des opinions qui coupaient comme des lames. On sentait son esprit plein de pensées toutes faites, mises en lui par ses père et mère qui les tenaient eux-mêmes de leurs ancêtres. Il n’hésitait jamais,