Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
UN BANDIT CORSE

« Tu n’oserais pas ! » et il passa. Mais il tombait aussitôt la cuisse brisée par une balle.

Et Sainte-Lucie, s’approchant de lui, reprit : « Je vais regarder ta blessure ; si elle n’est pas grave, je te laisserai là ; si elle est mortelle, je t’achèverai. »

Il considéra la plaie, la jugea mortelle, rechargea lentement son fusil, invita le blessé à faire une prière, puis il lui brisa le crâne.

Le lendemain il était dans la montagne.

Et savez-vous ce qu’il a fait ensuite, ce Sainte-Lucie ?

Toute sa famille fut arrêtée par les gendarmes. Son oncle le curé, qu’on soupçonnait de l’avoir incité à la vengeance, fut lui-même mis en prison et accusé par les parents du mort. Mais il s’échappa, prit un fusil à son tour et rejoignit son neveu dans le maquis.

Alors Sainte-Lucie tua, l’un après l’autre, les accusateurs de son oncle, et leur arracha les yeux pour apprendre aux autres à ne jamais affirmer ce qu’ils n’avaient pas vu de leurs yeux.

Il tua tous les parents, tous les alliés de la famille ennemie. Il massacra en sa vie quatorze