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UN BANDIT CORSE

Quand il parlait de cela plus tard, il disait : « Je ne sais pas ce que j’ai eu ; ça a été comme une chaleur dans mon sang ; j’ai bien senti qu’il le fallait ; que malgré tout je ne pourrais pas résister, et j’ai été cacher le fusil dans le maquis sur la route de Corte. »

Une heure plus tard, il rentrait les mains vides, avec son air habituel, triste et fatigué. Sa sœur crut qu’il ne pensait plus à rien.

Mais à la nuit tombante il disparut.

Son ennemi devait le soir même, avec ses deux garçons d’honneur, se rendre à pied à Corte.

Ils suivaient la route en chantant, quand Sainte-Lucie se dressa devant eux, et, regardant en face le meurtrier, il cria : « C’est le moment ! » puis, à bout portant, il lui creva la poitrine.

Un des garçons d’honneur s’enfuit, l’autre regardait le jeune homme en répétant : « Qu’est-ce que tu as fait, Sainte-Lucie ? »

Puis il voulut courir à Corte pour chercher du secours. Mais Sainte-Lucie lui cria : « Si tu fais un pas de plus, je vais te casser la jambe. » L’autre, le sachant jusque-là si timide, lui dit :