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le trou

considéré de tous, comme en ont attesté les voisins, même la concierge qui n’est pas folâtre tous les jours. J’aime le travail, j’aime l’épargne, j’aime les honnêtes gens et les plaisirs honnêtes. Voilà ce qui m’a perdu, tant pis pour moi ; ma volonté n’y étant pas, je continue à me respecter.

« Donc, tous les dimanches, mon épouse que voilà et moi, depuis cinq ans, nous allons passer la journée à Poissy. Ça nous fait prendre l’air, sans compter que nous aimons la pêche à la ligne, oh ! mais là, nous l’aimons comme des petits oignons. C’est Mélie qui m’a donné cette passion-là, la rosse, et qu’elle y est plus emportée que moi, la teigne, vu que tout le mal vient d’elle en c’t’affaire-là, comme vous l’allez voir par la suite.

« Moi, je suis fort et doux, pas méchant pour deux sous. Mais elle ! oh ! là ! là ! ça n’a l’air de rien, c’est petit, c’est maigre ; eh bien ! c’est plus malfaisant qu’une fouine. Je ne nie pas qu’elle ait des qualités ; elle en a, et d’importantes pour un commerçant. Mais son caractère ! Parlez-en aux alentours, et même à la concierge qui m’a déchargé tout à l’heure… elle vous en dira des nouvelles.

« Tous les jours elle me reprochait ma douceur : « C’est moi qui ne me laisserais pas faire ci ! C’est moi qui ne me laisserais pas faire ça. » En l’écoutant, m’sieu l’président, j’aurais eu au moins trois duels au pugilat par mois…