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UN FOU ?

D’abord, elle sembla inquiète ; elle frissonnait, tournait la tête pour éviter l’œil fixe de l’homme, semblait agitée d’une crainte grandissante. Tout à coup, elle commença à trembler, comme tremblent les chiens. Tout son corps palpitait, secoué de longs frissons, et elle voulut s’enfuir. Mais il posa sa main sur le crâne de l’animal qui poussa, sous ce toucher, un de ces longs hurlements qu’on entend, la nuit, dans la campagne.

Je me sentais moi-même engourdi, étourdi, ainsi qu’on l’est lorsqu’on monte en barque. Je voyais se pencher les meubles, remuer les murs. Je balbutiai : « Assez, Jacques, assez. » Mais il ne m’écoutait plus, il regardait Mirza d’une façon continue, effrayante. Elle fermait les yeux maintenant et laissait tomber sa tête comme on fait en s’endormant. Il se tourna vers moi.

— C’est fait, dit-il, vois maintenant.

Et jetant son mouchoir de l’autre côté de l’appartement, il cria : « Apporte ! ».

La bête alors se souleva et chancelant, trébuchant comme si elle eût été aveugle, remuant ses pattes comme les paralytiques remuent leurs jambes, elle s’en alla vers le linge qui faisait une tache blanche contre le mur. Elle essaya plusieurs fois de le prendre dans sa gueule, mais elle mordait à côté