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UN FOU ?

gourdir comme si je leur avais versé de l’opium. Je n’ai qu’à étendre les mains pour produire des choses… des choses… terribles. Si tu savais ? Oui. Si tu savais ? Mon pouvoir ne s’étend pas seulement sur les hommes, mais aussi sur les animaux et même… sur les objets…

Cela me torture et m’épouvante. J’ai eu envie souvent de me crever les yeux et de me couper les poignets.

Mais je vais… je veux que tu saches tout. Tiens. Je vais te montrer cela… non pas sur des créatures humaines, c’est ce qu’on fait partout, mais sur… sur… des bêtes.

Appelle Mirza.

Il marchait à grands pas avec des airs d’halluciné, et il sortit ses mains cachées dans sa poitrine. Elles me semblèrent effrayantes comme s’il eût mis à nu deux épées.

Et je lui obéis machinalement, subjugué, vibrant de terreur et dévoré d’une sorte de désir impétueux de voir. J’ouvris la porte et je sifflai ma chienne qui couchait dans le vestibule. J’entendis aussitôt le bruit précipité de ses ongles sur les marches de l’escalier, et elle apparut, joyeuse, remuant la queue.

Puis je lui fis signe de se coucher sur un fauteuil ; elle y sauta, et Jacques se mit à la caresser en la regardant.