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UN FOU ?

nant miracle de changer le mouvement en son. Voilà.

La musique, cet art complexe et mystérieux, précis comme l’algèbre et vague comme un rêve, cet art fait de mathématiques et de brise, ne vient donc que de la propriété étrange d’une petite peau. Elle n’existerait point, cette peau, que le son non plus n’existerait pas, puisque par lui-même il n’est qu’une vibration. Sans l’oreille, devinerait-on la musique ? Non. Eh bien ! nous sommes entourés de choses que nous ne soupçonnerons jamais, parce que les organes nous manquent qui nous les révéleraient.

Le magnétisme est de celles-là peut-être. Nous ne pouvons que pressentir cette puissance, que tenter en tremblant ce voisinage des esprits, qu’entrevoir ce nouveau secret de la nature, parce que nous n’avons point en nous l’instrument révélateur.

Quant à moi… Quant à moi, je suis doué d’une puissance affreuse. On dirait un autre être enfermé en moi, qui veut sans cesse s’échapper, agir malgré moi, qui s’agite, me ronge, m’épuise. Quel est-il ? Je ne sais pas, mais nous sommes deux dans mon pauvre corps, et c’est lui, l’autre, qui est souvent le plus fort, comme ce soir.

Je n’ai qu’à regarder les gens pour les en-