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UN FOU ?

j’ai peur de moi, comme je te le disais tout à l’heure !

Et il cachait, avec des frissons éperdus, ses mains vibrantes sous les revers de sa jaquette. Et moi-même je me sentis soudain tout tremblant d’une crainte confuse, puissante, horrible. J’avais envie de partir, de me sauver, de ne plus le voir, de ne plus voir son œil errant passer sur moi, puis s’enfuir, tourner autour du plafond, chercher quelque coin sombre de la pièce pour s’y fixer, comme s’il eût voulu cacher aussi son regard redoutable.

Je balbutiai :

— Tu ne m’avais jamais dit ça !

Il reprit :

— Est-ce que j’en parle à personne ? Tiens, écoute, ce soir je ne puis me taire. Et j’aime mieux que tu saches tout ; d’ailleurs, tu pourras me secourir.

Le magnétisme ! Sais-tu ce que c’est ? Non. Personne ne sait. On le constate pourtant. On le reconnaît, les médecins eux-mêmes le pratiquent ; un des plus illustres, M. Charcot, le professe ; donc, pas de doute, cela existe.

Un homme, un être a le pouvoir, effrayant et incompréhensible, d’endormir, par la force de sa volonté, un autre être, et, pendant qu’il dort, de lui voler sa pensée comme on vole-