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LE VAGABOND.

Et, tout à coup, la faim, une faim féroce, dévorante, affolante, le souleva, faillit le jeter comme une brute contre les murs de cette demeure.

Il dit, tout haut, d’une voix grondante : « Nom de Dieu ! faut qu’on m’en donne, cette fois. » Et il se mit à heurter la porte à grands coups de son bâton. Personne ne répondit ; il frappa plus fort, criant : « Hé ! hé ! hé ! là dedans, les gens ! hé ! ouvrez ! »

Rien ne remua ; alors, s’approchant de la fenêtre, il la poussa avec sa main, et i’air enfermé de la cuisine, l’air tiède plein de senteurs de bouillon chaud, de viande cuite et de choux s’échappa vers l’air froid du dehors.

D’un saut, le charpentier fut dans la pièce. Deux couverts étaient mis sur une table. Les propriétaires, partis sans doute à la messe, avaient laissé sur le feu leur dîner, le bon bouilli du dimanche, avec la soupe grasse aux légumes.

Un pain frais attendait sur la cheminée, entre deux bouteilles qui semblaient pleines.

Randel d’abord se jeta sur le pain, le cassa avec autant de violence que s’il eût étranglé un homme, puis il se mit à le manger voracement, par grandes bouchées vite avalées. Mais l’odeur de la viande, presque aussitôt,