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enjamba le fossé de la route et alla vers elle, sans trop savoir ce qu’il faisait.

Quand il fut auprès, elle leva vers lui sa grosse tête, et il pensa : « Si seulement j’avais un pot, je pourrais boire un peu de lait. »

Il regardait la vache ; et la vache le regardait ; puis, soudain, lui lançant dans le flanc un grand coup de pied : « Debout ! » dit-il.

La bête se dressa lentement, laissant pendre sous elle sa lourde mamelle ; alors l’homme se coucha sur le dos, entre les pattes de l’animal, et il but, longtemps, longtemps, pressant de ses deux mains le pis gonflé, chaud, et qui sentait l’étable. Il but tant qu’il resta du lait dans cette source vivante.

Mais la pluie glacée tombait plus serrée, et toute la plaine était nue sans lui montrer un refuge. Il avait froid ; et il regardait une lumière qui brillait entre les arbres, à la fenêtre d’une maison.

La vache s’était recouchée, lourdement. Il s’assit à côté d’elle, en lui flattant la tête, reconnaissant d’avoir été nourri. Le souffle épais et fort de la bête, sortant de ses naseaux comme deux jets de vapeur dans l’air du soir, passait sur la face de l’ouvrier qui se mit à dire : « Tu n’as pas froid là dedans, toi. »

Maintenant, il promenait ses mains sur le