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la vie qui s’agite, bruit et palpite, seul dans le ciel glacé ! Une envie folle le tenaillait de se sauver n’importe où, n’importe comment, de descendre à Loëche en se jetant dans l’abîme ; mais il n’osait seulement pas ouvrir la porte, sûr que l’autre, le mort, lui barrerait la route, pour ne pas rester seul non plus là-haut.

Vers minuit, las de marcher, accablé d’angoisse et de peur, il s’assoupit enfin sur une chaise, car il redoutait son lit comme on redoute un lieu hanté.

Et soudain le cri strident de l’autre soir lui déchira les oreilles, si suraigu qu’Ulrich étendit les bras pour repousser le revenant, et il tomba sur le dos avec son siège.

Sam, réveillé par le bruit, se mit à hurler comme hurlent les chiens effrayés, et il tournait autour du logis cherchant d’où venait le danger. Parvenu près de la porte, il flaira dessous, soufflant et reniflant avec force, le poil hérissé, la queue droite et grognant.

Kunzi, éperdu, s’était levé et, tenant par un pied sa chaise, il cria : « N’entre pas, n’entre pas, n’entre pas ou je te tue. » Et le chien, excité par cette menace, aboyait avec fureur contre l’invisible ennemi que défiait la voix de son maître.

Sam, peu à peu, se calma et revint s’étendre