Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

yeux en regardant et par la bouche en respirant. Rose et Simon s’embrassaient toutes les minutes ! Ça me faisait quelque chose de les voir. M. Beaurain et moi nous marchions derrière eux, sans guère parler. Quand on ne se connaît pas on ne trouve rien à se dire.

Il avait l’air timide, ce garçon, et ça me plaisait de le voir embarrassé. Nous voici arrivés dans le petit bois. Il y faisait frais comme dans un bain, et tout le monde s’assit sur l’herbe. Rose et son ami me plaisantaient sur ce que j’avais l’air sévère ; vous comprenez bien que je ne pouvais pas être autrement. Et puis voilà qu’ils recommencent à s’embrasser sans plus se gêner que si nous n’étions pas là ; et puis ils se sont parlé tout bas ; et puis ils se sont levés et ils sont partis dans les feuilles sans rien dire. Jugez quelle sotte figure je faisais, moi, en face de ce garçon que je voyais pour la première fois. Je me sentais tellement confuse de les voir partir ainsi que ça me donna du courage ; et je me suis mise à parler. Je lui demandai ce qu’il faisait ; il était commis de mercerie, comme je vous l’ai appris tout à l’heure. Nous causâmes donc quelques instants ; ça l’enhardit, lui, et il voulut prendre des privautés, mais je le remis à sa place, et roide, encore. Est-ce pas vrai, monsieur Beaurain ? »