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la maison tellier

Les quatre danseurs le marchèrent à la façon mondaine, convenablement, dignement, avec des manières, des inclinations et des saluts.

Après quoi l’on se mit à boire. Alors M. Tournevau reparut, satisfait, soulagé, radieux. Il s’écria : — « Je ne sais pas ce qu’a Raphaële, mais elle est parfaite ce soir. » — Puis, comme on lui tendait un verre, il le vida d’un trait en murmurant : « Bigre, rien que ça de luxe ! »

Sur-le-champ M. Philippe entama une polka vive, et M. Tournevau s’élança avec la belle Juive qu’il tenait en l’air, sans laisser ses pieds toucher terre. M. Pimpesse et M. Vasse étaient repartis d’un nouvel élan. De temps en temps un des couples s’arrêtait près de la cheminée pour lamper une flûte de vin mousseux ; et cette danse menaçait de s’éterniser, quand Rosa entr’ouvrit la porte avec un bougeoir à la main. Elle était en cheveux, en savates, en chemise, tout animée, toute rouge : — « Je veux danser, » cria-t-elle. Raphaële demanda : — « Et ton vieux ? » — Rosa s’esclaffa : — « Lui ? il dort déjà, il dort tout de suite. » — Elle saisit M. Dupuis, resté sans emploi sur le divan, et la polka recommença.

Mais les bouteilles étaient vides : — « J’en paye une, » déclara M. Tournevau. « Moi aussi, » annonça M. Vasse. « Moi de même, » conclut M. Dupuis. Alors tout le monde applaudit.

Cela s’organisait, devenait un vrai bal. De temps en temps même, Louise et Flora montaient bien vite, fai-