Page:Maupassant - La maison Tellier - Ollendorff, 1899.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
la maison tellier

boucher, l’épicier, le menuisier, le cafetier, le savetier et le boulanger. L’église, au bout de cette sorte de rue, était entourée d’un étroit cimetière ; et quatre tilleuls démesurés, plantés devant son portail, l’ombrageaient tout entière. Elle était bâtie en silex taillé, sans style aucun, et coiffée d’un clocher d’ardoises. Après elle la campagne recommençait, coupée çà et là de bouquets d’arbres cachant les fermes.

Rivet, par cérémonie, et bien qu’en vêtements d’ouvrier, avait pris le bras de sa sœur qu’il promenait avec majesté. Sa femme, tout émue par la robe à filets d’or de Raphaële, s’était placée entre elle et Fernande. La boulotte Rosa trottait derrière avec Louise Cocote et Flora Balançoire, qui boitaillait, exténuée.

Les habitants venaient aux portes, les enfants arrêtaient leurs jeux, un rideau soulevé laissait entrevoir une tête coiffée d’un bonnet d’indienne ; une vieille à béquille et presque aveugle se signa comme devant une procession ; et chacun suivait longtemps du regard toutes les belles dames de la ville qui étaient venues de si loin pour la première communion de la petite à Joseph Rivet. Une immense considération rejaillissait sur le menuisier.

En passant devant l’église, elles entendirent des chants d’enfants : un cantique crié vers le ciel par des petites voix aiguës ; mais Madame empêcha qu’on entrât, pour ne point troubler ces chérubins.

Après un tour dans la campagne, et l’énumération des principales propriétés, du rendement de la terre et