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la femme de paul

fermés et raidis étaient affreux. Une espèce d’enduit noirâtre et liquide couvrait tout son corps. La figure paraissait enflée, et de ses cheveux collés par le limon une eau sale coulait sans cesse.

Les deux hommes l’examinèrent.

— Tu le connais ? dit l’un.

L’autre, le passeur de Croissy, hésitait : — « Oui, il me semble bien que j’ai vu cette tête-là ; mais tu sais, comme ça, on ne reconnaît pas bien. » — Puis, soudain : — « Mais c’est monsieur Paul ! »

— Qui ça, monsieur Paul ? demanda son camarade. Le premier reprit :

— Mais monsieur Paul Baron, le fils du sénateur, ce p’tit qu’était si amoureux.

L’autre ajouta philosophiquement :

– Eh bien, il a fini de rigoler maintenant ; c’est dommage tout de même quand on est riche !

Madeleine sanglotait, tombée par terre. Pauline s’approcha du corps et demanda : — « Est-ce qu’il est bien mort ? — tout à fait ? »

Les hommes haussèrent les épaules : — « Oh ! après ce temps-là ! pour sûr. »

Puis l’un d’eux interrogea : — « C’est chez Grillon qu’il logeait ? » — « Oui, reprit l’autre ; faut le reconduire, y aura de la braise. »

Ils remontèrent dans leur bateau et repartirent, s’éloignant lentement à cause du courant rapide ; et longtemps encore après qu’on ne les vit plus de la place où les femmes étaient restées, on entendit