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la femme de paul

grands arbres. La grisante poésie de cette soirée d’été entrait dans Paul malgré lui, traversait son angoisse affolée, remuait son cœur avec une ironie féroce, développant jusqu’à la rage en son âme douce et contemplative ses besoins d’idéale tendresse, d’épanchements
passionnés dans le sein d’une femme adorée et fidèle.

Il fut contraint de s’arrêter, étranglé par des sanglots précipités, déchirants.

La crise passée, il repartit.

Soudain il reçut comme un coup de couteau ; on s’embrassait, là, derrière ce buisson. Il y courut ; c’était un couple amoureux, dont les deux silhouettes s’éloignèrent vivement à son approche, enlacées, unies dans un baiser sans fin.

Il n’osait pas appeler, sachant bien qu’Elle ne répondrait point ; et il avait aussi une peur affreuse de les découvrir tout à coup.

Les ritournelles des quadrilles avec les solos déchirants du piston, les rires faux de la flûte, les rages aiguës du violon lui tiraillaient le cœur, exaspérant sa souffrance. La musique enragée, boitillante, courait sous les arbres, tantôt affaiblie, tantôt grossie dans un souffle passager de brise.