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la femme de paul

Elles avaient loué toutes les quatre un petit chalet au bord de l’eau, et elles vivaient là, comme auraient vécu deux ménages.

Leur vice était public, officiel, patent. On en parlait comme d’une chose naturelle, qui les rendait presque sympathiques, et l’on chuchotait tout bas des histoires étranges, des drames nés de furieuses jalousies féminines, et des visites secrètes de femmes connues, d’actrices, à la petite maison du bord de l’eau.

Un voisin, révolté de ces bruits scandaleux, avait prévenu la gendarmerie, et le brigadier, suivi d’un homme, était venu faire une enquête. La mission était délicate ; on ne pouvait, en somme, rien reprocher à ces femmes, qui ne se livraient point à la prostitution. Le brigadier, fort perplexe, ignorant même à peu près la nature des délits soupçonnés, avait interrogé à l’aventure, et fait un rapport monumental concluant à l’innocence.

On en avait ri jusqu’à Saint-Germain.

Elles traversaient à petits pas, comme des reines, l’établissement de la Grenouillère ; et elles semblaient fières de leur célébrité, heureuses des regards fixés sur elles, supérieures à cette foule, à cette tourbe, à cette plèbe.

Madeleine et son amant les regardaient venir, et dans l’œil de la fille une flamme s’allumait.

Lorsque les deux premières furent au bout de la table, Madeleine cria : — « Pauline ! » La grosse se retourna, s’arrêta, tenant toujours le bras de son moussaillon femelle :