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la femme de paul

voix aigre devint sifflante, et elle parlait avec volubilité, comme pour plaider sa propre cause :

— Est-ce que ça te regarde, toi ? Sont-elles pas libres de faire ce qu’elles veulent, puisqu’elles ne doivent rien à personne ? Fiche-nous la paix avec tes manières et mêle-toi de tes affaires…

Mais il lui coupa la parole.

— C’est la police que ça regarde, et je les ferai flanquer à Saint-Lazare, moi !

Elle eut un soubresaut :

— Toi ?

— Oui, moi ! Et, en attendant, je te défends de leur parler, tu entends, je te le défends.

Alors elle haussa les épaules, et calmée tout à coup :

— Mon petit, je ferai ce qui me plaira ; si tu n’es pas content, file, et tout de suite. Je ne suis pas ta femme, n’est-ce pas ? Alors tais-toi.

Il ne répondit pas et ils restèrent face à face, avec la bouche crispée et la respiration rapide.

À l’autre bout du grand café de bois, les quatre femmes faisaient leur entrée. Les deux costumées en hommes marchaient devant : l’une maigre, pareille à un garçonnet vieillot avec des teintes jaunes sur les tempes ; l’autre, emplissant de sa graisse ses vêtements de flanelle blanche, bombant de sa croupe le large pantalon, se balançant comme une oie grasse, ayant les cuisses énormes et les genoux rentrés. Leurs deux amies les suivaient et la foule des canotiers venait leur serrer les mains.