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une partie de campagne

sur le dos. Mais il s’abattit sur elle, la couvrant de tout son corps. Il poursuivit longtemps cette bouche qui le fuyait, puis, la joignant, y attacha la sienne. Alors, affolée par un désir formidable, elle lui rendit son baiser en l’étreignant sur sa poitrine, et toute sa résistance tomba comme écrasée par un poids trop lourd.

Tout était calme aux environs. L’oiseau se remit à chanter. Il jeta d’abord trois notes pénétrantes qui semblaient un appel d’amour, puis, après un silence d’un moment, il commença d’une voix affaiblie des modulations très lentes.

Une brise molle glissa, soulevant un murmure de feuilles, et dans la profondeur des branches passaient deux soupirs ardents qui se mêlaient au chant du rossignol et au souffle léger du bois.

Une ivresse envahissait l’oiseau, et sa voix, s’accélérant peu à peu comme un incendie qui s’allume ou une passion qui grandit, semblait accompagner sous l’arbre un crépitement de baisers. Puis le délire de son gosier se déchaînait éperdument. Il avait des pâmoisons prolongées sur un trait, de grands spasmes mélodieux.

Quelquefois il se reposait un peu, filant seulement deux ou trois sons légers qu’il terminait soudain par une note suraiguë. Ou bien il partait d’une course affolée, avec des jaillissements de gammes, des frémissements, des saccades, comme un chant d’amour furieux, suivi par des cris de triomphe.

Mais il se tut, écoutant sous lui un gémissement tellement profond qu’on l’eût pris pour l’adieu d’une âme.