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une partie de campagne

Après avoir suivi l’avenue des Champs-Élysées et franchi les fortifications à la porte Maillot, on s’était mis à regarder la contrée.

En arrivant au pont de Neuilly, M. Dufour avait dit : — « Voici la campagne enfin ! » et sa femme, à ce signal, s’était attendrie sur la nature.

Au rond-point de Courbevoie, une admiration les avait saisis devant l’éloignement des horizons. À droite, là-bas, c’était Argenteuil, dont le clocher se dressait ; au-dessus apparaissaient les buttes de Sannois et le Moulin d’Orgemont. À gauche, l’aqueduc de Marly se dessinait sur le ciel clair du matin, et l’on apercevait aussi, de loin, la terrasse de Saint-Germain ; tandis qu’en face, au bout d’une chaîne de collines, des terres remuées indiquaient le nouveau fort de Cormeilles. Tout au fond, dans un reculement formidable, par-dessus des plaines et des villages, on entrevoyait une sombre verdure de forêts.

Le soleil commençait à brûler les visages ; la poussière emplissait les yeux continuellement, et, des deux côtés de la route, se développait une campagne interminablement nue, sale et puante. On eût dit qu’une lèpre l’avait ravagée, qui rongeait jusqu’aux maisons, car des squelettes de bâtiments défoncés et abandonnés, ou bien des petites cabanes inachevées faute de paiement aux entrepreneurs, tendaient leurs quatre murs sans toit.

De loin en loin, poussaient dans le sol stérile de longues cheminées de fabrique, seule végétation de ces