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le papa de simon

qu’ils torturaient ; et leur lourde pensée montait et retombait avec leurs marteaux.

Simon entra sans être vu et alla tout doucement tirer son ami par la manche. Celui-ci se retourna. Soudain le travail s’interrompit, et tous les hommes regardèrent, très attentifs. Alors, au milieu de ce silence inaccoutumé, monta la petite voix frêle de Simon.

— Dis donc, Philippe, le gars à la Michaude qui m’a conté tout à l’heure que tu n’étais pas mon papa tout à fait.

— Pourquoi ça ? demanda l’ouvrier.

L’enfant répondit avec toute sa naïveté :

— Parce que tu n’es pas le mari de maman.

Personne ne rit. Philippe resta debout, appuyant son front sur le dos de ses grosses mains que supportait le manche de son marteau dressé sur l’enclume. Il rêvait. Ses quatre compagnons le regardaient et, tout petit entre ces géants, Simon, anxieux, attendait. Tout à coup, un des forgerons, répondant à la pensée de tous, dit à Philippe :

— C’est tout de même une bonne et brave fille que la Blanchotte, et vaillante et rangée malgré son malheur, et qui serait une digne femme pour un honnête homme.

— Ça, c’est vrai, dirent les trois autres.

L’ouvrier continua :

— Est-ce sa faute, à cette fille, si elle a failli ? On lui avait promis mariage, et j’en connais plus d’une qu’on respecte bien aujourd’hui et qui en a fait tout autant.