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le papa de simon

Simon se tut une seconde pour bien faire entrer ce nom-là dans sa tête, puis il tendit les bras, tout consolé, en disant :

— Eh bien ! Philippe, tu es mon papa.

L’ouvrier, l’enlevant de terre, l’embrassa brusquement sur les deux joues, puis il s’enfuit très vite à grandes enjambées.

Quand l’enfant entra dans l’école, le lendemain, un rire méchant l’accueillit ; et à la sortie, lorsque le gars voulut recommencer, Simon lui jeta ces mots à la tête, comme il aurait fait d’une pierre : — « Il s’appelle Philippe, mon papa. »

Des hurlements de joie jaillirent de tous les côtés :

— Philippe qui ?… Philippe quoi ?… Qu’est-ce que c’est que ça, Philippe ?… Où l’as — tu pris, ton Philippe ?

Simon ne répondit rien ; et, inébranlable dans sa foi, il les défiait de l’œil, prêt à se laisser martyriser plutôt que de fuir devant eux. Le maître d’école le délivra et il retourna chez sa mère.

Pendant trois mois, le grand ouvrier Philippe passa souvent près de la maison de la Blanchotte et, quelquefois, il s’enhardissait à lui parler lorsqu’il la voyait cousant auprès de sa fenêtre. Elle lui répondait poliment, toujours grave, sans rire jamais avec lui, et sans le laisser entrer chez elle. Cependant, un peu fat, comme tous les hommes, il s’imagina qu’elle était souvent plus rouge que de coutume lorsqu’elle causait avec lui.

Mais une réputation tombée est si pénible à refaire et demeure toujours si fragile, que, malgré la réserve