Page:Maupassant - La maison Tellier - Ollendorff, 1899.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
en famille

La vieille, inquiète et soupçonneuse, mais sans parler jamais, regardait tout ce monde autour d’elle ; et son petit œil gris, scrutateur et dur, se fixait tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, plein de pensées visibles qui gênaient ses enfants.

Caravan dit, pour expliquer : — « Elle a été un peu souffrante, mais elle va bien maintenant, tout à fait bien, n’est-ce pas, mère ? »

Alors la bonne femme, se remettant en marche, répondit de sa voix cassée, comme lointaine : — « C’est une syncope ; je vous entendais tout le temps. »

Un silence embarrassé suivit. On pénétra dans la salle ; puis on s’assit devant un dîner improvisé en quelques minutes.

Seul, M. Braux avait gardé son aplomb. Sa figure de gorille méchant grimaçait ; et il lâchait des mots à double sens qui gênaient visiblement tout le monde.

Mais à chaque instant le timbre du vestibule sonnait ; et Rosalie éperdue venait chercher Caravan qui s’élançait en jetant sa serviette. Son beau-frère lui demanda même si c’était son jour de réception. Il balbutia : — « Non, des commissions, rien du tout. »

Puis, comme on apportait un paquet, il l’ouvrit étourdiment, et des lettres de faire part, encadrées de noir, apparurent. Alors, rougissant jusqu’aux yeux, il referma l’enveloppe et l’engloutit dans son gilet.

Sa mère ne l’avait pas vu ; elle regardait obstinément sa pendule dont le bilboquet doré se balançait sur la