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en famille

Mme Caravan, prompte en ses décisions, envoya bien vite Marie-Louise en prendre deux ; et l’on attendait dans l’obscurité.

On entendait distinctement les pas de la fillette qui montait l’escalier. Il y eut ensuite un silence de quelques secondes ; puis l’enfant redescendit précipitamment. Elle ouvrit la porte, effarée, plus émue encore que la veille en annonçant la catastrophe, et elle murmura, suffoquant : — « Oh ! papa, grand’maman s’habille ! »

Caravan se dressa avec un tel sursaut que sa chaise alla rouler contre le mur. Il balbutia : — « Tu dis ?… Qu’est-ce que tu dis là ?… »

Mais Marie-Louise, étranglée par l’émotion, répéta : — « Grand’… grand’… grand’maman s’habille… elle va descendre. »

Il s’élança dans l’escalier follement, suivi de sa femme abasourdie ; mais devant la porte du second il s’arrêta, secoué par l’épouvante, n’osant pas entrer. Qu’allait-il voir ? Mme Caravan, plus hardie, tourna la serrure et pénétra dans la chambre.

La pièce semblait devenue plus sombre ; et, au milieu, une grande forme maigre remuait. Elle était debout, la vieille ; et en s’éveillant du sommeil léthargique, avant même que la connaissance lui fût en plein revenue, se tournant de côté et se soulevant sur un coude, elle avait soufflé trois des bougies qui brûlaient près du lit mortuaire. Puis, reprenant des forces, elle s’était levée pour chercher ses hardes. Sa commode partie