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en famille

ses devoirs, elle retrouva ses deux enfants revenus ensemble derrière elle. Elle les talocha encore par conscience ; mais, la fois suivante, elle n’y prit plus garde ; et, à chaque retour de visiteurs, les deux mioches suivaient toujours, s’agenouillant aussi dans un coin et répétant invariablement tout ce qu’ils voyaient faire à leur mère.

Au commencement de l’après-midi, la foule des curieuses diminua. Bientôt il ne vint plus personne. Mme Caravan, rentrée chez elle, s’occupait à tout préparer pour la cérémonie funèbre ; et la morte resta solitaire.

La fenêtre de la chambre était ouverte. Une chaleur torride entrait avec des bouffées de poussière ; les flammes des quatre bougies s’agitaient auprès du corps immobile ; et sur le drap, sur la face aux yeux fermés, sur les deux mains allongées, des petites mouches grimpaient, allaient, venaient, se promenaient sans cesse, visitaient la vieille, attendant leur heure prochaine.

Mais Marie-Louise et Philippe-Auguste étaient repartis vagabonder dans l’avenue. Ils furent bientôt entourés de camarades, de petites filles surtout, plus éveillées, flairant plus vite tous les mystères de la vie. Et elles interrogeaient comme les grandes personnes. — « Ta grand’maman est morte ? » — « Oui, hier au soir. » — « Comment c’est, un mort ? » — Et Marie Louise expliquait, racontait les bougies, le buis, la figure. Alors une grande curiosité s’éveilla chez tous les