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en famille

sième se remit au jeu comme s’il eût pensé : — « Ce n’est que ça ! »

Caravan attendait un de ces mots qu’on dit « venus du cœur ». Se voyant ainsi reçu, il s’éloigna, indigné de leur placidité devant la douleur d’un ami, bien que cette douleur, en ce moment même, fût tellement engourdie qu’il ne la sentait plus guère.

Et il sortit.

Sa femme l’attendait en chemise de nuit, assise sur une chaise basse auprès de la fenêtre ouverte, et pensant toujours à l’héritage.

— Déshabille-toi, dit-elle : nous allons causer quand nous serons au lit.

Il leva la tête, et, montrant le plafond de l’œil :

« Mais… là-haut… il n’y a personne. » — « Pardon, Rosalie est auprès d’elle, tu iras la remplacer à trois heures du matin, quand tu auras fait un somme. »

Il resta néanmoins en caleçon afin d’être prêt à tout événement, noua un foulard autour de son crâne, puis rejoignit sa femme qui venait de se glisser dans les draps.

Ils demeurèrent quelque temps assis côte à côte. Elle songeait.

Sa coiffure, même à cette heure, était agrémentée d’un nœud rose et penchée un peu sur une oreille, comme par suite d’une invincible habitude de tous les bonnets qu’elle portait.

Soudain, tournant la tête vers lui : — « Sais-tu si ta mère a fait un testament ? » dit-elle. Il hésita : — « Je…