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en famille

Le docteur s’inclina, et, déposant son chapeau sur un meuble : — « En ce cas, j’accepte, madame. »

Elle donna des ordres à Rosalie affolée, puis elle-même se mit à table, « pour faire semblant de manger, disait-elle, et tenir compagnie au docteur ».

On reprit du potage froid. M. Chenet en redemanda. Puis apparut un plat de gras-double lyonnaise qui répandit un parfum d’oignon, et dont Mme Caravan se décida à goûter. — « Il est excellent, » dit le docteur. Elle sourit : — « N’est-ce pas ? » Puis se tournant vers son mari : — « Prends-en donc un peu, mon pauvre Alfred, seulement pour te mettre quelque chose dans l’estomac ; songe que tu vas passer la nuit ! »

Il tendit son assiette docilement, comme il aurait été se mettre au lit si on le lui eût commandé, obéissant à tout sans résistance et sans réflexion. Et il mangea.

Le docteur, se servant lui-même, puisa trois fois dans le plat, tandis que Mme Caravan, de temps en temps, piquait un gros morceau au bout de sa fourchette et l’avalait avec une sorte d’inattention étudiée.

Quand parut un saladier plein de macaroni, le docteur murmura : « Bigre ! voilà une bonne chose. » Et Mme Caravan, cette fois, servit tout le monde. Elle remplit même les soucoupes où barbotaient les enfants, qui, laissés libres, buvaient du vin pur et s’attaquaient déjà, sous la table, à coups de pied.

M. Chenet rappela l’amour de Rossini pour ce mets