Page:Maupassant - La maison Tellier - Ollendorff, 1899.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
en famille


s’asseyant, les prit sur ses genoux et fit la causette avec eux.

Philippe-Auguste était un vilain mioche, dépeigné, sale des pieds à la tête, avec une figure de crétin. Marie-Louise ressemblait à sa mère déjà, parlait comme elle, répétant ses paroles, l’imitant même en ses gestes. Elle dit aussi : — « Quoi de neuf au ministère ? » Il lui répondit gaiement : — « Ton ami Ramon, qui vient diner ici tous les mois, va nous quitter, fifille. Il y a un nouveau sous-chef à sa place. » Elle leva les yeux sur son père, et, avec une commisération d’enfant précoce : — « Encore un qui t’a passé sur le dos, alors. »

Il finit de rire et ne répondit pas ; puis, pour faire diversion, s’adressant à sa femme qui nettoyait maintenant les vitres : « La maman va bien, là-haut ? »

Mme Caravan cessa de frotter, se retourna, redressa son bonnet tout à fait parti dans le dos, et, la lèvre tremblante : — « Ah ! oui, parlons-en de ta mère ! Elle m’en a fait une jolie ! Figure-toi que tantôt Mme Lebaudin, la femme du coiffeur, est montée pour m’emprunter un paquet d’amidon, et comme j’étais sortie, ta mère l’a chassée en la traitant de « mendiante ».