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en famille

là dedans maintenant. Et comment s’appelle-t-il ; ton commissaire ?

— Bonassot.

Elle prit l’Annuaire de la marine, qu’elle avait toujours sous la main, et chercha : « Bonassot. — Toulon. — Né en 1855. — Élève-commissaire en 1871, Sous-commissaire en 1875. »

— A-t-il navigué celui-là ?

À cette question, Caravan se rasséréna. Une gaieté lui vint qui secouait son ventre : — « Comme Balin, juste comme Balin, son chef. » Et il ajouta, dans un rire plus fort, une vieille plaisanterie que tout le ministère trouvait délicieuse : — « Il ne faudrait pas les envoyer par eau inspecter la station navale du Point-du-Jour, ils seraient malades sur les bateaux-mouches. »

Mais elle restait grave comme si elle n’avait pas entendu, puis elle murmura en se grattant lentement le menton : « Si seulement on avait un député dans sa manche ? Quand la Chambre saura tout ce qui se passe là dedans, le ministre sautera du coup… »

Des cris éclatèrent dans l’escalier, coupant sa phrase. Marie-Louise et Philippe-Auguste, qui revenaient du ruisseau, se flanquaient, de marche en marche, des gifles et des coups de pied. Leur mère s’élança, furieuse, et, les prenant chacun par un bras, elle les jeta dans l’appartement en les secouant avec vigueur.

Sitôt qu’ils aperçurent leur père, ils se précipitèrent sur lui, et il les embrassa tendrement, longtemps ; puis,