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en famille

buts féminins qui auraient dû saillir avec art sous un habillage bien entendu. Ses jupes semblaient sans cesse tournées d’un côté ; et elle se grattait souvent, n’importe où, avec indifférence du public, par une sorte de manie qui touchait au tic. Le seul ornement qu’elle se permît consistait en une profusion de rubans de soie entremêlés sur les bonnets prétentieux qu’elle avait coutume de porter chez elle.

Aussitôt qu’elle aperçut son mari, elle se leva, et, l’embrassant sur ses favoris : — « As-tu pensé à Potin, mon ami ? » (C’était pour une commission qu’il avait promis de faire.) Mais il tomba atterré sur un siège ; il venait encore d’oublier pour la quatrième fois : — « C’est une fatalité, disait-il, c’est une fatalité ; j’ai beau y penser toute la journée, quand le soir vient j’oublie toujours. » Mais comme il semblait désolé, elle le consola : — « Tu y songeras demain, voilà tout. Rien de neuf au ministère ? »

— Si, une grande nouvelle : encore un ferblantier nommé sous-chef.

Elle devint très sérieuse :

— À quel bureau ?

— Au bureau des achats extérieurs.

Elle se fâchait :

— À la place de Ramon alors, juste celle que je voulais pour toi ; et lui, Ramon ? à la retraite ?

Il balbutia : — « À la retraite. » Elle devint rageuse, le bonnet parti sur l’épaule :

— C’est fini, vois-tu, cette boîte-là, rien à faire