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histoire d’une fille de ferme

la maigre cloche jeta l’Angelus du soir à travers les brumes grandissantes. Comme l’homme allait sortir, elle le joignit.

— Monsieur le curé est-il chez lui ? dit-elle.

Il répondit :

— Je crois bien, il dine toujours à l’Angelus.

Alors elle poussa en tremblant la barrière du presbytère.

Le prêtre se mettait à table. Il la fit asseoir aussitôt.

— Oui, oui, je sais, votre mari m’a parlé déjà de ce qui vous amène.

La pauvre femme défaillait. L’ecclésiastique reprit :

— Que voulez-vous, mon enfant ?

Et il avalait rapidement des cuillerées de soupe dont les gouttes tombaient sur sa soutane rebondie et crasseuse au ventre.

Rose n’osait plus parler, ni implorer, ni supplier ; elle se leva ; le curé lui dit :

— Du courage…

Et elle sortit.

Elle revint à la ferme sans savoir ce qu’elle faisait. Le maître l’attendait, les gens de peine étant partis en son absence. Alors elle tomba lourdement à ses pieds et elle gémit en versant des flots de larmes.

— Qu’est-ce que t’as contre moi ?

Il se mit à crier, jurant :

— J’ai que je n’ai pas d’éfants, nom de Dieu ! Quand on prend une femme, c’n’est pas pour rester tout seuls tous les deux jusqu’à la fin. V’là c’que j’ai. Quand une