Page:Maupassant - La maison Tellier - Ollendorff, 1899.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
histoire d’une fille de ferme

quand on lui demandait quelque chose, ne comprenait pas, effarée, l’œil hébété, les mains tremblantes ; ce qui faisait dire à son maître :

Ma pauvre fille, que t’es sotte depuis quelque temps !

À l’église, elle se cachait derrière un pilier, et n’osait plus aller à confesse, redoutant beaucoup la rencontre du curé, à qui elle prêtait un pouvoir surhumain lui permettant de lire dans les consciences.

À table, les regards de ses camarades la faisaient maintenant défaillir d’angoisse, et elle s’imaginait toujours être découverte par le vacher, un petit gars précoce et sournois dont l’œil luisant ne la quittait pas.

Un matin, le facteur lui remit une lettre. Elle n’en avait jamais reçu et resta tellement bouleversée qu’elle fut obligée de s’asseoir. C’était de lui, peut-être ? Mais, comme elle ne savait pas lire, elle restait anxieuse, tremblante, devant ce papier couvert d’encre. Elle le mit dans sa poche, n’osant confier son secret à personne ; et souvent elle s’arrêtait de travailler pour regarder longtemps ces lignes également espacées qu’une signature terminait, s’imaginant vaguement qu’elle allait tout à coup en découvrir le sens. Enfin, comme elle devenait folle d’impatience et d’inquiétude, elle alla trouver le maître d’école qui la fit asseoir et lut :

« Ma chère fille, la présente est pour te dire que je suis