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II

Alors commença pour elle une vie de torture continuelle. Elle travaillait comme une machine, sans s’occuper de ce qu’elle faisait, avec cette idée fixe en tête : « Si on le savait ! »

Cette obsession constante la rendait tellement incapable de raisonner qu’elle ne cherchait même pas les moyens d’éviter ce scandale qu’elle sentait venir, se rapprochant chaque jour, irréparable, et sûr comme la mort.

Elle se levait tous les matins bien avant les autres et, avec une persistance acharnée, essayait de regarder sa taille dans un petit morceau d’une glace cassée qui lui servait à se peigner, très anxieuse de savoir si ce n’était pas aujourd’hui qu’on s’en apercevrait.

Et, pendant le jour, elle interrompait à tout instant son travail, pour considérer du haut en bas si l’ampleur de son ventre ne soulevait pas trop son tablier. Les mois passaient. Elle ne parlait presque plus et,